Publié dans Bouquinage

Relecture – plaisir : Maïmouna, de Abdoulaye Sadji

Il est de ces livres sur lesquels le temps n’a aucune emprise, qui décennie après décennie, accompagnent les (nouvelles) générations et ne prennent aucune ride.

AVT_Abdoulaye-Sadji_1958C’est le cas de Maïmouna, le magnifique roman de Abdoulaye Sadji. Publié en 1958, il fit sensation dès sa parution et fut au programme dans les collèges et lycées du Sénégal. C’est dans cette optique que j’ai eu à le lire. C’était en 1999.

Quelques années après, en 2015. Quelle ne fut ma surprise de retomber sur Maïmouna dans les rayons de ma librairie préférée. Cela va sans dire que j’ai reposé le livre que je souhaitais acquérir pour agripper Maïmouna.

Je l’ai d’une traite … L’histoire, les personnages, l’intrigue, tout m’est revenu et mon plaisir de lecture s’en est trouvé décuplé.

Sénégal, dans les années 1930. Yaye Daro, vieille femme du bourg de Louga, vit avec sa fille cadette Maïmouna. De condition modeste, elle vit depuis le décès de son mari des recettes de son commerce de légumes et du pécule mensuel que lui alloue sa fille Rihanna, installée à Dakar avec son mari Bounama, un riche notable.

Maïmouna est une enfant facile, rieuse, au caractère docile, qui évolue sous la tendre coupe de sa maman. Son quotidien est des plus simples : déjeuner avec sa maman Yaye Daro, après une grasse matinée que rien ne trouble, pas même le chant des coqs, toilette minutieuse et à midi, la petite s’en va porter au marché le bol de riz que les collègues de sa mère partageront.

Une routine des plus organisées, en somme … Maïmouna, dont la beauté n’égale que la douceur, se plaît aux côtés de Yaye Daro, qui ne ménage aucun effort à la hauteur de ses moyens pour vêtir et choyer sa petite Maï ; qui chaque fois qu’elle sort, suscite admiration et envie.

Plus le temps passe, plus les lettres de la grande sœur Rihanna arrivent de Dakar, et ont pour principal sujet Maïmouna et la vélléité de sa sœur de l’accueillir à ses côtés pour parfaire son éducation et la présenter au beau monde.

La mère fait de la résistance. Mais la chrysalide étant devenue papillon, Maïmouna grandit et se métamorphose en une adolescente taciturne et acariâtre, qui voit son environnement avec des yeux neufs et étouffe en ces lieux auparavant si chéris. La bataille s’engage avec la mère, qui ne veut pas entendre parler du départ de Maï.

La mort dans l’âme, celle – ci partira pourtant.maimouna18

Une fois dans la capitale, un nouveau monde s’offre à elle. Elle se métamorphose en une parfaite citadine très au fait des tendances, et coachée par Rihanna, sort, rencontre du monde, embellit de jour en jour et ce qui aura pour conséquences de rallonger sa liste de prétendants, tous plus fortunés les uns que les autres.

Au firmament de sa beauté, Maïmouna se fera affubler du sobriquet d’Etoile de Dakar, et grisée par son succès, croira que rien ni personne ne saura lui résister. L’heure du mariage a sonné, lui trouvent un fiancé en la personne de Galaye Kane.

Mais Maïmouna ne l’aime pas. Elle est amoureuse du beau jeune homme à complet veston noir qu’elle a maintes fois croisé au cinéma : Doudou Diouf. La Responsable, la gouvernante de la maison de Rihanna, jouera les entremetteuses et brisera le destin de cette jeune fille qu’elle a détestée au premier regard, du fait de sa beauté et de l’entente qu’elle a brisée entre sa personne et elle.

Ce qui devait arriver arriva : Maïmouna enceinte des œuvres de Doudou Diouf, fera le voyage en sens inverse. Louga, qu’elle avait fini par haïr, l’accueillera à bras ouverts et telle une mère, la cajolera et lui réapprendra à vivre et surtout à apprécier les choses … simples.

Abdoulaye Sadji a écrit un roman à forte connotation sociale. Outre la forte dose de manichéisme qui suinte à travers les pages, l’auteur, à travers le regard d’un fin observateur de la société, nous décrit le Dakar d’alors, avec ses us et ses coutumes, sa subdivision sociale et sociétale. Les nantis font la loi, les nécessiteux font des pieds et des mains pour grimper dans l’échelle sociale. C’est l’époque de l’exode rural, de la (re) découverte de Dakar, haut lieu de tentations, mais aussi de perdition.

Maïmouna en fera les frais …

C’est drôle, mais à la faveur de la relecture de ce sublime roman, j’ai cru parcourir le destin d’une certaine Sakina Bâ.

Vous m’en direz des nouvelles !

Excellente lecture

NFK

4 commentaires sur « Relecture – plaisir : Maïmouna, de Abdoulaye Sadji »

  1. Bonjour NFK.
    Je vous félicite d’abord. Vos textes sont si bien écrits j’adore vous lire et c’est ce que je fais depuis un moment.
    Ce texte me touche parce que c’est comme si Sadji plaignait la réalité de ce Dakar que je connais , celui du XXIème siècle.
    C’est tellement actuel.

    Bon pour la petite question. Je me suis toujours demandée si dans les années 50 le prénom Rihanna était populaire au Sénégal ou bien A.Sadji la pris comme ça sur le tas?

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    1. Merci beaucoup Rokhaya
      Votre intérêt pour le blog me touche
      Par contre pour le choix du prénom Rihanna par Abdoulaye Sadji, je ne saurais vous renseigner. C est une question que je me suis même posée et n ai pas encore trouvé de réponse …
      Peut – être que c est un prénom qui était usité dans les années 1960 qui sait ?
      A vous lire
      A bientôt
      NFK

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