Publié dans Bouquinage

Lu et adoré : Coeur d’Aryenne de Jean Malonga

unnamedImaginez une histoire d’amour entre une jeune Française et un Congolais dans l’Afrique Centrale des années 1950. Impossible, me direz – vous, tant les coutumes et les mœurs de l’époque ne s’y prêtaient pas …

C’est pourtant ce qui se passera entre Mambéké et Solange Morax.

Dans le village de Mossaka, Roch Morax régente tout. Dans sa factorerie, il emploie Yoka, père du jeune Mambéké, homme à tout faire et accessoirement souffre – douleur de Morax. Roch Morax habite en Afrique avec sa fille Solange et sa femme Marie – Cécile. L’homme est d’une cruauté sans nom, et dirige le petit bourg de même que ses habitants. Mais surtout ses habitantes, car à travers les vapeurs du chanvre qu’il fume abondamment, il abuse éhontément des faveurs sexuelles des pauvres femmes. Sous le nez de sa candide épouse, il peuplera la région de petits enfants « café au lait » qui deviendront la honte de leurs mères si jeunes et démunies.

Etant une grande friande de littérature africaine, je n’avais jamais entendu parler de Jean Malonga. Et dire que c’est l’un des premiers écrivains congolais de langue française ! Sinon le premier !

Car Cœur d’Aryenne a pour la première fois été publié en 1953. On était en plein dans l’Afrique pré – indépendante, avec le colonisateur qui avait la mainmise autant sur les richesses du continent que sur la façon de penser des autochtones. Et qui dit façon de penser, dit aussi croyances et religion. C’est le cas avec les missionnaires qui sillonnaient l’Afrique en portant haut la voie du Seigneur, mais sous ce vernis évangélisateur, ils veillaient à faire une dichotomie entre chrétiens blancs et chrétiens … noirs !

Il est vrai que Cœur d’Aryenne accorde une place de choix à l’amour entre Solange et Mambéké, mais la question de l’assimilation des populations indigènes y occupe une place de choix. Le personnage du Père Hux, un des personnages – clés du livre. A travers des passages de la Bible minutieusement choisis, il veillera à inculquer aux petits enfants noirs dont il avait l’éducation à sa charge des vertus de soumission et d’obéissance à l’encontre de l’homme blanc. Il veillait ainsi à maintenir les noirs sous le joug de la colonisation en se servant de la religion.

Cœur d’Aryenne, tout comme le nom l’indique, est axé autour de l’amour. L’amour entre deux personnes que rien ne prédestinait à être amants : Solange et Mambéké. Et dire que le destin, en s’évertuant à les séparer, ne fera qu’accentuer leur attirance ! Tout a commencé par le fleuve … Le fleuve, à travers son courant dangereux, essaiera d’engloutir la petite Solange. Mambéké, en la sauvant, scellera un pacte avec la petite Française. Morax, furieux de voir ce petit nègre faire preuve de tant de bravoure, le brutalisera en lieu et place de remerciements pour avoir tiré sa fille des flots meurtriers. Cet épisode marquera le début de la relation entre Solange et Mambéké. On les suivra à l’adolescence, toujours plus épris l’un de l’autre, jusqu’à ce que l’innommable se produise : Solange tombe enceinte !

Le scandale ! Comment une Française peut – elle attendre un enfant d’un nègre ? Roch Morax, découvrant un négrillon de plus chez lui – en sus de son innombrable marmaille bâtarde – tentera de tuer ce bébé. Alors que c’est lui qui trouvera la mort, tué par Solange, qui elle – même se noiera dans le fleuve. Encore et toujours le fleuve …

Sans vouloir spoiler, oui je sais mes notes de lecture sont toujours trop longues ! Mais quand j’aime un livre, j’en arrive à perdre mon objectivité et toujours trop en dire … Et une fois n’est pas coutume, j’ai apprécié Cœur d’Aryenne !

unnamedL’un des innombrables points positifs que je trouve à ce roman, c’est le style de l’auteur. Je le qualifierai de style … participatif ! Je m’explique … Dans l’une des nombreuses descriptions, soit du paysage ou des mœurs locales, Jean Malonga met à contribution le lecteur, en énonçant les événements qui se suivent et en disant qu’il épargne telle ou telle autre chose au lecteur, car il sait d’avance qu’il s’ennuiera… J’ai trouvé cette façon d’écrire remarquable, en ce sens que même si l’auteur écrit avant tout pour lui, il écrit pour être lu, et en impliquant de cette façon son lectorat, il marque des points !

Cœur d’Aryenne, un livre à lire et à faire lire !

Bonne lecture

NFK

4 commentaires sur « Lu et adoré : Coeur d’Aryenne de Jean Malonga »

  1. Heureusement, vous reconnaissez votre enthousiasme qui nuit à votre objectivité !!! Que d’erreurs sociologiques dans leur généralisation, que de clichés sur le dévouement des prêtres et des religieuses « maintenir les noirs sous le joug de la colonisation en se servant de la religion ». Mon père était né en Centrafrique, ma mère au Congo, tous 2 métis, parfaitement éduqués et instruits par les Pères et les Religieuses, je suis née dans les années pendant lesquelles se déroulent l’histoire…Il y a bien d’autres EXCELLENTS AUTEURS CONGOLAIS contemporains de Jean Malonga

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