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Sabbar Artistiques : Edition 1

5BE97D2B-BDC9-49E7-9453-41E29BF8A819Du 19 au 24 Mars 2019, Dakar a abrité la première édition des Sabbar Artistiques. Les Sabbar Artistiques, kesako? Vous n’êtes pas sans savoir ce qu’est un sabbar, cette danse rythmique, disons même endiablée, typiquement sénégalaise, qui se distingue par ses battements de tam – tam saccadés, invitant à se trémousser au sein du cercle formé. Durant les séances de sabbar, parfois diurnes, mais le plus souvent nocturnes, les batteurs rivalisent d’ingéniosité pour créer des rythmes et ainsi pousser les danseuses à se surpasser et rivaliser d’élégance. Depuis la nuit des temps, des danses sont apparues et ont fait les beaux jours des sabbar. Je peux citer de mémoire le bara mbaye, le cëbu jën (oui, oui comme le plat national), au moyen de percussions aux noms aussi alambiqués que le thiole, le mbeng mbeng … Si vous voulez en savoir plus sur les sabbar et toute leur histoire, et surtout voir comment ça se danse, Google et YouTube vous seront d’une plus grande utilité que moi.

Le nom de Sabbar n’aurait été mieux choisi pour illustrer ce marathon de panels, projections de films, expositions, discussions et voyages qui ont été notre lot durant tous ces jours. Voyages, car pour certaines venant à Dakar pour la première fois, d’autres pour une fois supplémentaire, et moi revenant au bercail, nous avons été à la rencontre de réalités que nous ne faisions qu’effleurer et apercevoir au loin.

La notion de réflexivité qui était au cœur de ces Sabbar artistiques et sur laquelle insistaient les organisatrices revêtait tout son sens, car nous avons réfléchi durant nos échanges, débattu, fait converger ou diverger nos opinions, mais nous nous sommes aussi posées en tant qu’objets de nos réflexions. En faisant tourner la réflexion sur nous – mêmes, nous en avons à la fois été les sujets et les objets. En venant chacune avec nos domaines de compétences, nos connaissances, mais aussi nos vécus et trajectoires, nous avons pesé et réévalué nos discours et pratiques.

La team derrière cette première édition des Sabbar artistiques était composée de Rama Thiaw, fondatrice et curatrice, Caroline Blache, co – curatrice, Fatou Kiné Diouf, chargée de production, Yannis Gaye, infographie et Community manager, Oumy Régina Sambou, chargée des relations presse. A l’image de cette team hétéroclite, les Sabbar ont vu passer des femmes (et des hommes même s’ils étaient minoritaires) aux parcours différents. J’ai participé à quatre panels : l’un portant sur la convergence / divergence des luttes africaines et afro – descendantes, le deuxième sur les luttes féministes, espaces publics et religieux, le troisième sur le style et le parcours singuliers dans la littérature, et enfin le dernier sur l’héritage de Mariama Bâ et Audre Lorde : entre réalisme et science – fiction. J’ai profité de ma venue pour les Sabbar pour répondre à l’invitation du Musée des Civilisations Noires de Dakar qui organisait un panel sur les productions artistiques et les problématiques de genre.

CCF10DF6-97A2-4AA2-95A6-3CAE4B51B051Au cours de ces panels, j’ai eu à côtoyer des femmes telles que Fatou Sow, Myriam Thiam, Adama Sow, homme et journaliste, Dolores Bakela, Régina Sambou, Fatou Sow (sociologue réputée que j’admiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiire énormément), Ken Bugul … En croisant et dénouant le fil qui nous séparait nous Africaines sur le continent et afro – descendantes vivant en Occident (à défaut d’une autre appellation), nous nous sommes rendues compte que nous ne faisions que nous croiser, sans nous voir réellement. Les discussions m’ont – à mon niveau – permis de voir que ces jeunes femmes que je côtoyais étaient en proie à plusieurs difficultés que je qualifierai d’intersectionnelles (car la plupart identitaires), et qu’il n’était pas évident de pouvoir les démêler. En croisant nos expériences, moi qui suis allée en France à ma majorité et elles ayant vécu toute leur vie là-bas, nous nous sommes rendues compte que nous étions différentes. Et cette différence était salutaire. Marie Angélique Savané, figure de proue du féminisme sénégalais, a livré une contribution plus qu’appréciée.

Le Sénégal est un pays ayant connu plusieurs mutations, notamment dans les luttes féministes. Durant nos échanges, Fatou Sow a parlé d’un islam que nous vivons au Sénégal qui jette une chape de plomb sur les libertés, notamment féminines : « un islam culturalisé ». Une façon de pratiquer la religion savamment mélangée à la culture et destiné à garder les femmes à la marge. S’en sont suivis des échanges intéressants avec le public, dans lequel figurait d’ailleurs Aminata Sow Fall, doyenne des lettres sénégalaises.

Le panel portant sur les trajectoires littéraires a eu lieu à l’Institut Français. Avec Ken Bugul, Kidi Bebey, Ayesha Attah, nous sommes allées au Cameroun, au Ghana, en passant par la France, pour revenir au Sénégal, parler de nos trajectoires littéraires, de la construction de nos personnages et ce qui constitue la singularité de nos identités féminines dans notre processus d’écriture. Ken Bugul a livré un message fort à l’issue de ce panel en revenant sur son histoire personnelle et ce qui fait qu’elle est ce personnage si atypique.

Le vendredi, le Musée des Civilisations Noires, édifice somptueux dédié à l’art africain, a organisé un panel autour des productions artistiques et des problématiques de genre, avec Leila Adjovi, photographe, Rama Diaw, styliste et moi. En croisant nos identités féminines et notre art, nous en sommes arrivées à penser qu’il fallait déconstruire les stéréotypes de genre.

684D342C-613D-4387-AB0B-F1DF2E447545Le samedi, avec les Sabbar, nous sommes allées à Gorée, où nous nous sommes posées dans la superbe demeure du cinéaste Jo Gaï Ramaka. En faisant une comparaison entre Mariama Bâ et Audre Lorde, nous nous sommes posées la question de savoir si nous nous positionnions du côté du réalisme ou a contrario de la science – fiction.

Les Sabbar artistiques se sont clôturés dimanche, mais ma part de panels s’est terminée samedi. Je suis rentrée à Paris la tête pleine d’images, de sons, de rencontres enrichissantes, qui donneront lieu sous peu à d’autres rencontres et événements de qualité. La team des Sabbar a effectué un travail titanesque et pour une 1ère édition, je leur tire mon mussor. Car organiser un tel événement, faire converger vers Dakar autant de personnes, je sais que ce n’est pas un travail facile, ni évident. De plus, les espaces de discussion se faisant rares, il urge que ce genre d’initiatives perdure. Les feedbacks après le retour ont été dithyrambiques. Espérons que les soutiens s’ensuivent, pour que l’équipe tienne très vite l’édition 2.

Kudos !

Excellente lecture !

NFK

 

 

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Un genre présidentiel

assemblee-feminin-diaporamaJ’emprunte le titre de cet article au livre de Frédérique Matonti, Le genre présidentiel (Ed. La Découverte, 2017), dans lequel l’auteure fait une enquête sur l’ordre des sexes en politique. Française, soit dit en passant … Je vais m’intéresser à la politique sénégalaise dans ce texte, et plus particulièrement la place des femmes dans l’espace politique sénégalaise.

Aïssata Tall Sall, avocate, membre du bureau politique du Parti Socialiste, députée maire de la localité de Podor, a surpris plus d’un.e en annonçant son ralliement AU Président sortant, Macky Sall. Du côté de son parti, l’on parle de soutien uniquement, mais pas de ralliement total, mais c’est selon … L’actualité politique au Sénégal est marquée ces derniers temps par la campagne présidentielle, en vue de l’élection qui aura lieu le 24 Février. Qui de Macky Sall le Président sortant, Idrissa Seck, Ousmane Sonko, El Hadj Issa Sall ou Madické Niang les sénégalais éliront – ils au soir du 24 Février 2019 ?

Vous aurez remarqué que parmi les cinq candidats se disputant les suffrages des électeurs sénégalais, il n’y a aucune femme. Ces élections présidentielles sont particulières à plus d’un titre. La loi du parrainage votée par l’Assemblée Nationale quelques mois avant l’ouverture de la campagne en avait déjà dessiné les contours. Cette loi stipulait que tout candidat devait se faire parrainer par 0,8% de l’électorat, soit un total de 52 mille signatures pour qu’une candidature soit validée. Les candidatures féminines étaient au nombre de trois : Yassine Fall, Nafissatou Wade et Aïssata Tall Sall. En plus de décourager les potentiels candidats masculins, la loi du parrainage a aussi fait passer à la trappe celles féminines.

Aïssata Tall Sall n’est pas une inconnue dans le landerneau politique sénégalais. Car c’est une femme qui est présente depuis deux décennies dans la scène politique sénégalaise. Le lancement de sa formation Osez l’avenir ! en 2017 avait cristallisé l’espoir une vague d’espoir parmi la gent féminine qui voyait en elle la promesse d’une femme Chef d’Etat. Car en 58 ans d’existence, la nation sénégalaise a eu des femmes journalistes, magistrates, députées, mais tout ce qui touche au cercle intime du pouvoir semble mettre les femmes au rebut et semble obéir à une logique masculine.

Les périodes pré et post – indépendance permirent de faire émerger des femmes dans le domaine de la revendication politique, du droit, du journalisme, ou encore comme représentantes à l’Hémicycle. Je peux citer à cet effet Adja Rose Basse, Mame Bassine Niang, Annette Mbaye D’Erneville, Caroline Faye Diop … De 1960 à nos jours, malgré ces trajectoires brillantes, le Sénégal n’a eu que deux femmes Premier Ministre : Mame Madior Boye et Aminata Touré. Les femmes semblent être cantonnées à la marge du jeu politique. En 2011, le Président Abdoulaye Wade avait fait promulguer la loi de la parité. Cette loi a été votée pour lutter contre les disparités dans le domaine de la représentativité dans les institutions, de même que l’égalité face au traitement salarial hommes / femmes. L’Assemblée Nationale sénégalaise passe pour exemple, de 33 à 64 députées. Cette loi a été accueillie de diverses manières, je suis de ceux qui pensaient que c’était une mascarade, en vue de faire taire les femmes et leur montrer qu’à l’Assemblée, elles étaient représentées. Le nombre de députées a gonflé, mais qu’en est – il des autres domaines ? La situation reste la même …

Pour en revenir à l’élection présidentielle, une fois l’étape du parrainage passée, les candidats sont au nombre de cinq et sont tous des hommes. C’est le moment des alliances stratégiques. Malgré des rumeurs tenaces, Aïssata Tall Sall démentait urbi et orbi une alliance avec Macky Sall. Mais à la surprise générale, elle finit, à l’issue d’une réunion avec le bureau politique de son mouvement, de déclarer son soutien au Président sortant en vue de sa réélection. Les réactions ne se firent pas attendre, et furent à la hauteur de ce que cette femme représente dans l’échiquier politique.

On peut analyser le ralliement de Aïssata Tall Sall sous diverses facettes, mais moi je choisis de l’analyser sous le prisme du genre, car quoi que l’on puisse dire, cela montre encore une fois que quelle soit la longévité d’une femme sur la scène politique sénégalaise, elle finit par rentrer dans les rangs, à savoir être dans un rôle de subalterne. Pour une femme ayant eu la carrière et l’envergure qu’elle a, ceci est d’autant plus inexplicable. A – t – elle mesuré l’impact que sa décision a pu avoir sur son image, mais surtout l’image de la femme sénégalaise d’aujourd’hui en politique ? J’en doute fortement. Je me refuse à croire qu’une femme aussi brillante politiquement puisse accepter de brader vingt ans de présence dans la scène politique.

Les commentaires vont bon train, et on fait état de l’absence des jeunes et des femmes dans l’élection présidentielle de Février 2019. Quand on parle de jeunes, dans l’imaginaire collectif sénégalais, on pense aux jeunes hommes. Les femmes arrivent en dernière position, avec les enfants. Comme pour dire que les femmes sont la catégorie la plus infantilisée de la population. Alors qu’elles ont la parole et doivent s’exprimer. Mais en sont – elles conscientes ? Comment faire émerger des figures féminines politiques fortes quand le système est inégalitaire et favorise les hommes ? A titre d’exemple, sur un total de 39 Ministres du Gouvernement actuel, seulement 8 portefeuilles ministériels sont occupés par des femmes ? Les femmes sont – elles sous représentées dans l’espace politique sénégalais ? Assurément. Comment encourager les jeunes femmes à s’intéresser à la politique quand les seules positions qui leur restent à occuper sont déterminés en fonction de leur sexe ? Voilà autant de questions soulevées par le soutien de Aïssata Tall Sall au Président sortant.

Cette situation me pousse à penser qu’il existe un seul et unique genre présidentiel : le genre masculin, qui, dans la sociologie sénégalaise, est le seul apte à gouverner. Les femmes réputées querelleuses et émotives, ne le peuvent pas. Mais quand tout est fait pour les décourager, force est de se poser la question de savoir si un changement de paradigme n’est pas à opérer.

Lors d’une bataille épique l’opposant à Racine Sy lors des élections législatives de 2014, Maître Aïssata Tall avait tenu tête et réussi à garder sa mairie, au grand soulagement des sénégalais qui l’avaient soutenue et portée, encourageant l’édile de Podor à continuer sur cette voie qui la menait tout droit vers la Présidence.

Mais cinq ans après, les cartes sont redistribuées. Le jeu politique sénégalais est très marqué par la présence masculine, et les femmes, une fois n’est pas coutume, jouent les seconds rôles. Jusqu’à quand ?

Bonne lecture,

NFK

Publié dans Au Sénégal

EN ATTENDANT LE VOTE DES BÊTES SAUVAGES

vote-1Les joutes électorales – surtout présidentielles – sont toujours le lieu de sonder la psyché (masculine) sénégalaise et de voir où ils se situent non seulement par rapport à leurs programmes de campagne, mais aussi comment ils insèrent la gent féminine dans leurs promesses de campagne. Des indépendances à nos jours, toutes les femmes qui se sont présentées pour être des potentielles Présidentes n’ont jamais réussi à s’imposer. Le Sénégal, un pays mysogine? Assurément ! Les femmes subissent – elles une oppression en raison de leur sexe? Absolument !

Cette élection vers laquelle nous nous dirigeons, à savoir celle de Février 2019, ne déroge pas à la (triste) règle. Elles n’ont pas réussi à passer le cap des parrainages, et s’activent (certaines en coulisses, d’autres pas) pour soutenir le candidat de leur choix. Toujours est – il qu’elles sont au centre de ces élections, sans toutefois en faire partie. Vous avez dit paradoxe?

Si nous faisons l’étude des comportements collectifs passés et/ou présents, nous verrons que les femmes servent à attendrir et humaniser. Ne dit – on pas que la femme est l’épouse et la mère? Sans toutefois m’étendre sur ces deux fonctions, je veux relever deux faits qui m’ont encore plus fait prendre conscience de combien nous femmes sénégalaises étions infantilisées.

O.S le candidat 2.0, fringant jeune homme s’il en est, qui alimente débats virtuels et in real life, décide de nous montrer sa femme, comme pour faire taire les détracteurs qui lui en donnaient deux et de plus, disaient à qui voulaient l’entendre que celles – ci étaient voilées. Soit … IL décide de nous montrer sa chère et tendre triomphalement. Elle est voilée, c’est son choix le plus absolu. Et mon interrogation de citoyenne réside dans le fait que s’il en a effectivement deux, où est la 2e? A la maison? Dans l’assistance? L’histoire nous édifiera … Pourquoi décider d’exhiber sa femme MAINTENANT ? Tant de questions et si peu de réponses.

Continuons avec ce même candidat, car je crois qu’aujourd’hui, il a atteint son quota de déclarations tonitruantes. Dans un élan de générosité et d’emphase, il fait la promesse de faire passer les congés maternité A SIX MOIS ! Dans l’Article 24 du Code de la Sécurité Sociale au Sénégal, il est stipulé que  » la femme salariée enceinte a droit à des indemnités journalières pendant la durée de son congé de maternité dans la limite de six semaines avant et huit semaines après l‘accouchement « . Si le congé va jusqu’à six mois, quel en sera le coût? Tout en sachant que l’indemnité journalière sera de loin INFERIEURE que la parturiente recevait. Notre économie déjà moribonde pourra – t – elle supporter ce déficit? Elle devra donc se « faire prendre en charge » par son cher et tendre époux. Quid du congé paternité? Qu’attend – on pour le mettre en place? Jusqu’à présent, le congé paternité demeure une exception européenne. Quid de nos contrées? Car jusqu’à présent, un enfant se fait à deux …

Alors candidats, dans vos programmes de campagne, prenez en compte les VRAIES préoccupations des femmes en lieu et place des déclarations fanfaronnes ! Car là il y a du boulot …

#PasSansElles
#JusquiciCestSansElles

Bonne lecture,

NFK

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Surviving RKelly

srkCette docu série est perturbante à plus d’un titre. Comme j’en ai fait état dans un post antérieur, je voulais regarder tous les épisodes de Surviving R Kelly avant de pouvoir en parler, et émettre une petite opinion.

Après avoir tout visionné, les multiples questions qui me trottaient dans la tête se sont décuplées.

Découpés en trois épisodes, #SurvivingRKelly revient sur l’enfance du natif de Chicago, ses débuts dans la chanson et son enfance compliquée. Un père absent, une mère chanteuse à l’église où Robert a fait ses premières armes, deux grands frères, Carey, Bruce et une grande soeur, Theresa.

C’est là que l’histoire commence à être glauque : dans l’une des nombreuses interviews qui composent la docu série de Lifetime, Carey affirme que leur soeur Theresa a procédé à des attouchements sexuels sur son frère Robert et lui. Ce qui expliquerait peut – être les déviances sexuelles de Robert Kelly, AKA RKelly. L’ancienne professeure de musique du King du RNB nous parle d’un enfant perturbé, qui parlait tout le temps de sexe dans les chansons qu’il pratiquait, et ce de manière fort suggestive. Elle se rappelle lui avoir interdit de le faire demanière si brutale, mais rien n’y fait.

RKelly commence à se faire un nom dans sa ville de Chicago, mais il est surtout connu comme étant celui qui aime traîner aux abords des collèges et lycées, en compagnie de très jeunes filles. Plus c’est jeune, plus il aime.

Il consomme les jeunes femmes à une vitesse effrénée et les soumet aux tortures les plus imaginables, comme si sa virilité était tributaire des violences qu’il faisait subir à ses proies. Ses premières victimes que l’on a pu voir racontent toutes l’avoir rencontré dans des circonstances similaires : dans une fête, au centre commercial où ses gars servaient de rabatteurs, à la sortie de l’école …

Aaliyah Haughton, jeune fille fluette à la voix enchanteresse, croise sa route. L’oncle de la jeune fille leur sert de manager à tous les deux. Le duo devient vite complice et la suspicion commence à naître : cette alchimie, cette proximité, il doit y avoir « something ELSE! » Mais Robert et Aaliyah nient. Age ain’t nothing but a number, premier album studio de Aaliyah, cartonne et le titre éponyme, parle de la relation d’une jeune fille et d’un homme plus âgé, et le titre en lui – même le dit : l’âge n’est rien d’autre qu’un nombre, sans importance.

RKelly tisse sa toile, étend son aura. Il s’affiche partout avec Aaliyah, l’une de ses choristes et un autre de ses collaborateurs parlent de comment le couple s’isolait dans le bus de tournée, de leur mariage à la va vite (que la famille de Aaliyah a fait annuler, car elle était âgée de quinze ans au moment des faits).

Les témoignages s’enchaînent. Robert aime la force, Robert aime dominer, Robert aime qu’on l’appelle Daddy -_-

Ses frères eux aussi, parlons d’eux. RKelly, pour ne pas qu’on l’inculpe dans l’affaire de la sextape où on le voyait uriner sur l’une des jeunes filles, demande à son frère Carey de dire que c’était lui dans la vidéo en échange de 100 000 USD. Ce que ce dernier refuse, au grand dam de leur grand – frère Bruce qui lui dit, que son frère Robert a certaines « préférences » et que Carey aurait pu l’aider. Vous avez dit glauque?

Il épouse Andrea, une danseuse qui était venue auditionner pour un de ses clips. Vite, le conte de fées se mue en cauchemar et il la séquestre. Pour manger, elle doit lui demandr la permission, pour aller aux toilettes, pareil. RKelly a trois vies : celle de chanteur à succès ultra adulé, celle de mari violent et de père absent, et enfin celle de prédateur sexuel.

La dernière partie où l’on voit les parents des jeunes filles ayant fait partie de son harem, est à mon sens la plus problématique. Dans celle – ci, je fais un arrêt sur l’affaire de la nièce de Sparkle, l’une des anciennes protégées de RKelly. Souvenez – vous de son duo avec RKelly, le superbe titre Be Careful. Sparkle dit avoir amené sa nièce de 14 ans pour que RKelly l’aide à démarrer une carrière musicale, car elle avait confiance et pensait que toutes ces allégations étaient derrière lui. Alors qu’elle a affirmé plus tôt avoir vu sa femme Drea l’implorer de la laisser manger. Comment peux – tu être en compagnie d’un tel monstre, le voir traiter de façon si sauvage les femmes et penser que ta nièce sera sauvée? Je me le demande …

Les parents de jeunes filles telles que Dominique, Joycelyn, Azrael, sont face à la caméra et expriment leurs regrets face aux agissements. Azrael et Joycelyn sont encore avec lui, mais Dominique a pu s’échapper …

#My2Cents : les violences sexuelles constituent un fléau qui étend ses tentacules de pays en pays. J’ai trouvé un parallèle entre la culture du silence – et du viol – aux USA et en Afrique. Ce sont les mêmes modes opératoires. RKelly a été violé durant une grande partie de son enfance, son frère dit que leur mère n’était pas au courant. Quelle mère vit sous le même toit que ses quatre enfants et ne se rend pas compte que quelque chose ne tourne pas rond? Ca me rappelle un peu la triste histoire de Whitney Houston qui a été violée durant son enfance et a dû vivre avec cela toute sa vie. Sa mère Cissy, a tout nié en bloc …

Cette culture du silence s’illustre avec l’affaire de la nièce de Sparkle. Pour se racheter sans doute, Sparkle identifie sa nièce sur la sextape et témoigne contre RKelly. Les parents de sa nièce, son frère et sa belle – soeur, eux n’en font rien. Ils nient que leur fille est celle qui est sur la vidéo, au grand dam de son entraîneur de basket et de sa tante Sparkle. La famille fait bloc contre Sparkle, rejette toutes les accusations en échange d’un gros chèque. Sparkle est blacklistée de l’entertainment, sa carrière est brisée. Son frère lui, continue à jouer de la basse pour RKelly. Le pouvoir de l’argent …

Les parents des jeunes filles précitées, eux aussi, ne sont pas en reste. Comment croire que cet homme aux antécédents de violeur notoires, pourra aider votre fille à avoir une carrière de chanteuse? COMMENT? Comment laisser une jeune fille mineure aller auditionner avec un homme d’une quarantaine d’années dans une chambre d’hôtel et puis parcourir tout le pays ensuite à sa recherche? Je me le demande. Sa femme Andrea, elle, affirme n’avoir été au courant que sur le tard, alors que tout avait déjà fait. Soit …

Après avoir regardé #SurvivingRKelly, un mot a fait tilt dans mon cerveau : LE SOUTIEN. RKelly a été soutenu dans toutes ses entreprises destructrices. A commencer par la police de Chicago, qui détournent les yeux de tout ce qu’il fait, n’intervient jamais et ne le condamne jamais. Il l’a aussi été par son armée de collaborateurs, ses mr et mrs « yes, okay, sure Mr Kell, we’ll do that’, qui lui ont servi toutes ces jeunes filles sur un plateau. Soutenu aussi par l’industrie de la musique, car en plus de ses chansons, il en a écrit, produit et co – produit des milliers. Un faiseur de carrières, en somme.

Le mouvement #MeToo a permis en accord avec #MuteRKelly, de faire annuler une partie de ses spectacles, mais après qu’il ait sorti sa chanson – confession I Admit (où il ne confesse rien d’ailleurs) de 19 mns, il a retourné la situation en sa faveur. La preuve, à l’instant où #SurvivingRKelly était diffusé, sa musique remontait en tête des charts. Donc le boycott ne sera pas chose facile …

Le refus de plusieurs chanteurs et chanteuses (à l’inverse de John Legend) à s’exprimer dans #SurvivingRKelly est révélateur de beaucoup de choses : si RKelly tombe, il entraînera beaucoup de personnes dans sa chute. Et je suis pour qu’il tombe, mais que surtout le traitement médiatique soit équitable en ce qui concerne les fétichistes, les violeurs, les pédophiles, qu’ils soient noirs ou blancs. J’aimerai bien voir une docu série sur Roman Polanski, Harvey Weinstein, Woody Allen, Birdman, pour ne citer que ces pédophiles qui me viennent en tête …

La toile est divisée aujourd’hui sur le sort de RKelly : les pro et les contre. Pour ma part, je crois que la chose qui ferait taire RKelly et le ferait oublier pendant un long moment, ce serait la prison. Qu’il paie pour tout ce qu’il a fait, que ses complices soient mis sous les verrous aussi et que toutes ces jeunes filles soient rendues à leurs familles, qui elles aussi, doivent faire leur introspection. L’envie de briller sous les spotlights ne doit pas se faire à tous les prix !

NFK

Publié dans Bouquinage, Réflexion

Lu et approuvé : Bell – Hooks, Ne suis – je pas une femme? Femmes noires et féminisme

bhooksJ’ai refermé la dernière page de ce livre encore plus convaincue que le monde a besoin du féminisme. Le monde a besoin du féminisme pour que l’égalité sociale et politique existe, le monde a besoin du féminisme pour que les libertés soient rendues aux groupes opprimés (hommes et femmes confondus). Le monde a enfin besoin du féminisme pour que dans des sociétés inégalitaires telles que celle de l’Amérique, le groupe opprimé que sont les femmes noires aient plus de droits face aux hommes noirs et aux femmes blanches.

Car bell hooks, même si elle termine son livre en lançant un appel à toustes les féministes du monde, inscrit son livre dans l’espace spatio – temporel états – unien.

bell hooks est une féministe afro – américaine née dans le Kentucky. Marquée durant son enfance par les ségrégations raciales, elle tient le titre de son ouvrage Ain’t I a woman ? (Ne suis – je pas une femme ?) d’une interrogation que Sojourner Truth, femme noire américaine, abolitionniste et ancienne esclave, avait posée lors d’un discours célèbre sur les diverses oppressions subies par les femmes : oppressions de classe, race et sexe.

Dans son livre, bell hooks narre les diverses souffrances dont sont victimes les femmes noires et indexe les féministes blanches qui ont du mal à prendre en compte les oppressions croisées.

bell books commence déjà à théoriser l’intersectionnalité, et vient grossir les rangs de ses congénères féministes afro – américaines qui sont à l’intersection, au croisement de plusieurs types d’inégalités : leur classe, leur genre, leur couleur de peau. Angela Davis, Patricia Hill Collins, Kimberlé Crenshaw, sont autant de femmes noires activistes qui conscientes qu’elles sont grandement défavorisées dans une Amérique raciste et classiste, prennent leurs plumes pour écrire, lutter et se positionner face à un féminisme et un machisme blancs qui les oppriment. Publié en 1981 aux Editions United Press, Ain’t I a woman ? devient dans sa version française Ne suis – je pas une femme ? Femmes noires et féminisme et est publié aux Editions Cambourakis en 2015. Cette traduction que je juge assez tardive n’enlève en rien la teneur du texte, loin s’en faut. La préface de la traduction française est de Amadine Gay, et j’ai beaucoup aimé la mise en contexte qu’elle fait du féminisme afro en France, pays où les minorités peinent encore à se faire attendre, et toute velléité de créer des espaces par et pour les personnes de couleur est apparenté à du communautarisme.

L’intersectionnalité, concept qui est au cœur du livre de bell hooks, a été désignée comme meilleure pratique féministe en 2005 par une équipe de chercheurs au titre de tentative prometteuse pour composer avec les différences et les complexités dans la production des théories tout en maintenant l’élan politique du féminisme.

bell hooks commence par nous donner une autre grille du racisme. Initialement vu comme une domination des blancs sur les noirs, elle va plus loin en nous faisant voir le racisme comme l’expression du capitalisme et du colonialisme en donnant quelques exemples révélateurs : Christophe Colomb que l’on nous a vendu comme celui qui a découvert l’Amérique, le génocide des Indiens d’Amérique, les Indiens décrits comme des scalpeurs, la reproduction forcée des femmes blanches pour accroître la population … Tout a été fait pour que les femmes – surtout – n’aient aucune conscience politique, mais aussi pour que la domination raciale existant déjà dans la société américaine soit la même et que l’endoctrinement persiste.

539b59d87f97cLes femmes noires sont les plus lésées dans cette hiérarchie sociale : le patriarcat et le racisme vont de soi. Et tout le système politique américain est fait pour que l’éveil n’ait pas lieu. Même dans la création des premiers mouvements féministes, les femmes blanches ne prennent pas en compte les femmes noires. La sororité et l’esprit de solidarité qui prévaut ne les concerne QU’ELLES !

Le racisme l’a emporté sur toutes les autres formes de domination qui pouvaient exister : entre les hommes blancs et les hommes natifs américains, entre les femmes noires et blanches (qui pouvaient même dans un coin de leur esprit sécréter cette haine raciale)
Ce qui est intéressant à voir dans l’analyse de bell hooks, c’est comment les femmes noires ont souffert d’oppressions qu’aucune autre femme blanche n’a subi. Même si les femmes blanches se sentaient supérieures face aux hommes et femmes noires, elles ont tenté de minimiser le rôle qu’elles ont joué dans la ségrégation prôné par le patriarcat blanc.

Bien que les femmes blanches n’aient pas joué les premiers rôles durant l’esclavage, du fait de la division des sexes, elles continuent d’alimenter les stéréotypes racistes, ce qui fait que tant que ce racisme ne sera pas résolu, la cause féministe n’avancera aucunement. Même dans les mouvements abolitionnistes de l’esclavage, il n’y avait aucune volonté d’accorder les mêmes droits entre blancs et noirs, mais juste accroître la conscience (politique) des femmes blanches. On assiste donc ainsi à une idéalisation du rôle joué par les femmes blanches, alors que la réalité est toute autre !!!

Les réformistes blanches qui voulaient combattre l’esclavage, l’ont fait pour des motifs religieux et pas humains, elles montrent ainsi leur attachement face à la suprématie raciste blanche.

Le droit de vote est un exemple patent. Les voix des suffragettes ne se sont fait entendre que lorsqu’elles ont eu peur que les hommes noirs aient le droit de vote, à leur détriment
Le sexisme pourrait éclipser les inégalités raciales, c’était la plus grande peur des suffragettes blanches.

Les suffragettes blanches ne voulaient en aucun cas que les hommes noirs obtiennent le droit de vote, car les personnes de couleur auraient plus de poids qu’elles dans la société
Bien que Sojourner Truth (dont son célèbre Ain’t I a woman ? a donné son nom au livre de bell hooks) prenne régulièrement la parole lors de rassemblements féminins, un racisme institutionnalisé existait au niveau des mouvements féminins, car la femme blanche ne pouvait tout simplement pas reconnaître la femme noire comme étant son égale. Surtout au niveau des mouvements féministes. En atteste cet extrait : « Les féministes blanches partaient du principe que les femmes noires ne s’intéressaient pas au féminisme. Les féministes blanches ont continué à perpétuer l’idée fausse que les femmes noires préféraient rester dans des rôles féminins stéréotypés plutôt que d’obtenir l’égalité sociale avec les hommes ».

La division du travail s’est faite sur la base de la couleur. Les femmes blanches ne voulaient pas se mélanger et ne voulaient pas aussi effectuer certaines tâches ménagères jugées ingrates. Cette division du travail est à l’image des mouvements de femmes, que les femmes blanches avaient confisqué et fait leur parole la seule légitime et qui vaille la peine d’être entendue.

Même dans leurs écrits, les féministes blanches parlaient de LA femme états – unienne, qui n’était en réalité que la femme blanche
Cet autre extrait résume tout : « Dans une nation où règne l’impérialisme racial, comme c’est le cas dans la nôtre, c’est la race dominante qui se réserve le privilège d’être aveugle à l’identité nationale, tandis qu’on rappelle quotidiennement à la race opprimée son appartenance à une identité raciale spécifique ».

bell hooks pointe aussi du doigt les mouvements des droits civiques, où siégeaient des hommes tels que Martin Luther King qui étaient grandement mis en avant, au détriment des femmes noires, au plus bas et se battant pour sortir la tête de l’eau. En atteste Rosa Parks et toutes les autres femmes à ses côtés qui ont accompli de nobles combats dans une Amérique ségrégationniste vibrant à l’appel des lois de Jim Crow.

f92f3536c1e92bcf9b2608d85af66093Même si le livre de bell hooks s’inscrit dans une perspective états – unienne, je pense que toute femme – surtout si elle est de couleur – devrait le lire. Car les femmes originaires de groupes minoritaires se reconnaîtront à coup sûr dans ces propos et dans cette lutte constante pour s’affirmer. Et le féminisme, cette idéologie de par le monde qui prône une meilleure égalité sociale, politique et culturelle pour les femmes, est un sujet fédérateur …

Bonne lecture,

NFK

Publié dans Music

Whitney Houston : Can I be me ?

unnamedLa dernière fois que j’ai pleuré en regardant un film / documentaire, c’est en 2011 lorsque j’ai visionné plusieurs fois d’affilée La couleur des sentiments, ce chef – d’œuvre cinématographique tiré du livre du même nom de Kathryn Stockett. Pour une fois, je n’avais pas été déçue de l’interprétation d’un livre au cinéma. Je pense même que je dois relire ce livre, tellement j’avais été émue par l’union des domestiques noires de Jackson, Mississipi, qui avaient accepté de consigner dans un livre leurs malheurs, causés par la plupart par leurs patronnes, blanches et racistes. C’est ce film qui a véritablement lancé les carrières de Octavia Spencer et Viola Davis. A voir et revoir !

Mais je m’égare …

En lisant le titre, vous aurez compris que cet article parle de Whitney Houston. Depuis un moment, je passais et repassais devant ce film documentaire qui lui était consacré. Car je n’avais pas le temps, car j’avais d’autres choses à faire, car j’avais d’autres séries ou films à regarder … J’inventais dix mille prétextes pour ne pas le regarder, car tout au fond de moi, je savais que ce ne serait pas une partie de plaisir.

Les vacances de Noël sont arrivées et c’était l’occasion ou jamais. En faisant une recherche sur internet, j’ai glané quelques infos ça et là sur le film, avant de retourner sur Netflix. Sorti en 2017, Can I be me ? est un documentaire co – produit par Nick Broomfield. Il a pour objet de se focaliser sur la vie de Whitney Houston, de sa naissance, aux débuts de sa carrière musicale, jusqu’à sa mort en Février 2012. J’avais déjà vu celui produit par Angela Bassett avec Yaya Dacosta dans le rôle de Whitney. Je l’avais moyennement aimé, car non seulement il avait été désapprouvé par sa famille, mais certaines scènes avaient été tronquées, voire supprimées, ce qui rajoutait à l’absence de crédibilité de ce film.

Can I be me ? puise dans les images d’archives de la tournée mondiale à succès de Whitney Houston, The My Love Is Your Love Tour en 1999, qui venait s’ajouter à la sortie de son quatrième album studio, My Love Is Your Love (1998).

Whitney ‘Nippy’ Houston naît à Newark, dans la banlieue de New – York. Sa mère Cissy est une chanteuse déjà connue à l’époque, car elle fait des chœurs pour des artistes de renom : Elvis Presley, Aretha Franklin, ou encore sa nièce Dionne Warwick. En plus de ses activités de back – up singer, Cissy se produit dans certains clubs new – yorkais et est la chef du chœur musical de l’église. On peut donc voir que la musique occupe une place énorme dans la vie de Cissy. En gros, elle se démène comme une diablesse (excusez du peu) pour assurer à ses enfants une existence des plus normales, et surtout heureuse. Le père John, est un intermédiaire d’affaires, qui fait de ci de là des affaires, surtout immobilières. Les deux grands frères de Whitney, Gary et Michaël veillent sur leur jeune sœur quand leur mère n’est pas là. C’est là qu’intervient la première faille selon moi. Quand leur mère est absente, où se trouve leur père ? Pourquoi ne peut – il prendre soin de ses enfants ?

unnamed1A la suite de Can I be me ? j’ai regardé un autre film sur la vie de la chanteuse. Intitulé Whitney, il a été réalisé par Kevin MacDonald. A la différence de Can I be me ? le film de MacDonald fait parler les proches de la star : l’ex – mari Bobby Brown, Kevin Costner le partenaire à l’écran, ses frères, son assistance, son attachée de presse, sa mère Cissy, sa belle – sœur et collaboratrice Pat Houston. Et c’est là qu’il faut chercher l’explication au mal – être qui sera le compagnon de Whitney toute sa vie. A demi – mots, son frère Michaël admettra qu’ils ont été abusés sexuellement par la sœur de Dionne Warwick, DeeDee. Ballottés de famille en famille au gré des déplacements de leur mère, leur père étant je ne sais où, les enfants sont laissés sous la surveillance de personnes diverses. Les frères commencent à toucher à la drogue et initient leur jeune sœur.

Même s’ils déménagent et ont une meilleure vie, les fissures sont là. Les frères touchent à tout : marijuana, meth, alcool et Whitney s’y essaie aussi. Alors qu’elle travaillait dans le centre communautaire de Newark durant l’été, elle y fait une rencontre qui déterminera le cours de sa vie. Elle fait la connaissance de celle qui sera sa meilleure amie et personne de confiance durant une grande partie de sa vie : Robyn Crawford.

Clive Davis, big boss d’Arista Records, la remarque et ébloui par son timbre de voix, la signe sur son label. A partir de là, tout va très vite : les hits s’enchaînent, l’image de Whitney est policée et on la présente comme la gentille chérie de l’Amérique, sans aucune bavure, contrôlée par sa mère d’une main de fer. Que ce soit dans Whitney ou Can I be me, toutes les personnes interviewées s’accordent à dire que Whitney Houston disait tout le temps qu’on ne la laissait pas être elle – même.

Seule Robyn sait la canaliser et la calmer. Leur proximité inquiète et fait jaser. Les rumeurs de bisexualité fait jaser. Les deux jeunes femmes habitent ensemble et font tout ensemble. Pour atteindre Whitney, il faut passer par Robyn. Sa mère, fervente catholique, ne peut admettre que sa fille ait des penchants pour une fille et nie tout. Même si elle n’approuve pas ce mariage, elle laisse sa fille se marier avec Bobby Brown, badboy du RNB. Quand il débarque dans sa vie, Bobby Brown est jaloux de la place qu’y occupe Robyn et fait tout pour l’écarter. Celle – ci finit par craquer et partir.

Tout le monde sera d’accord pour dire que quand est Robyn est partie, c’est là que tout s’est délité. Whitney consomme drogue sur drogue, boit comme un trou, manque certains de ses engagements et se transforme physiquement, n’ayant plus que la peau sur les os. Sa fille Bobby Christina naît dans ce chaos. Comment cette petite fille aurait – elle pu avoir une chance au milieu de deux parents aussi fragiles émotionnellement et usant de tant de substances ? Un de ses collaborateurs narre des scènes incroyables, durant lesquelles la consommation de drogues pouvait atteindre un niveau insupportable pour une seule personne.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer la descente aux enfers de Whitney Houston selon moi. D’abord le fait qu’on lui ait toujours imposé les choses qu’elle devait faire. Elle ne pouvait prendre aucune décision sans que cela ait des répercussions énormes. Entre toute une tribu accrochée à ses basques et décidée à n’abandonner sous aucun prétexte son niveau de vie princier, Whitney se tuait à la tâche. Ses collaborateurs auront bien essayé de tirer la sonnette d’alarme – surtout l’un de ses garde – corps – mais face à un père cupide (qui la dissuadera d’aller en rehab plus d’une fois) qui s’était improvisé manager, que faire ? Que dire ? Sa mère, aveuglée par sa foi et refusant de voir que sa fille avait un problème, mettra tout sur le dos de Robyn (car oui, il fallait bien trouver un bouc émissaire) au lieu de se regarder devant une glace et se rendre compte qu’elle avait failli quelque part …

Une belle voix, un physique de rêve, tout cela gâché par les abus et de mauvais choix de vie. Vers la fin, elle ne sera plus que l’ombre d’elle – même. L.A Reid, l’un des patrons à Arista Records, sortira de ses gonds, affirmant qu’il ne pouvait comprendre comment on pouvait se moquer de Whitney, la traitant de junkie, alors qu’elle avait donné tant de bonheur au mélomanes … Mais c’est le revers de la médaille (du succès).

Morte en Février 2012, noyée dans sa baignoire, Whitney sera suivie quelque temps plus tard par sa fille Bobby Christina. Les paroles de My love is your love me semblent prémonitoires lorsque j’ai réécouté cette chanson :

If tomorrow is judgment day

And I’m standing on the front line

And the Lord asks me what I did with my life

I will say I spent it with you

If I wake up in World War III

I see destruction and poverty

And I feel like I want to go home

It’s okay if you’re coming with me

Que vous soyez fan ou pas de Whitney Houston, ces deux films sont à voir. Juste pour voir que quoi que l’on puisse dire sur ces vedettes adulées et vénérées de par le monde, elles étaient juste humaines, avec leur lot de fêlures. Can I be me ? est disponible sur Netflix et Whitney en streaming. Bons visionnages !

Repose en paix Whitney, ton œuvre colossale te survivra !

Bonne lecture,

NFK

Publié dans Bouquinage

Coup de cœur livresque : Mille soleils splendides – Khaled Hosseini

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L’histoire que j’ai avec ce livre est assez singulière …

Il y a plusieurs mois, un ami m’a conseillé de le lire, car selon lui, ce livre est un « chef-d’œuvre ».

J’ai donc suivi sa recommandation et l’ai acheté. À la faveur d’un déménagement, je l’ai perdu de vue – le livre hein, entendons-nous bien – et ai oublié son existence. Je l’ai retrouvé enfoui sous des piles de vêtements, alors que je cherchais un livre à lire. J’ai non seulement retrouvé Mille soleils splendides, mais je suis aussi tombée sur cinq autre ouvrages que j’avais achetés et que je ne retrouvais plus. Comme quoi, le désordre ça a du bon parfois.

C’est comme ça que j’ai commencé Mille soleils splendides, regrettant au fil des pages de ne pas m’être penchée sur ce livre merveilleux plus tôt.

Mille soleils splendides nous plonge dans l’enfer de la guerre en Afghanistan, ce pays que les seigneurs de guerre soviétiques occupent.

Malgré le climat délétère, le pays semble marcher et les habitants vaquent à leurs occupations. C’est dans cette atmosphère faite de conflits que vit Mariam et sa mère Nana, dans leur kolba retranchée, loin de tout, à des centaines de kilomètres de Kaboul. Car Mariam est une harami – une enfant bâtarde – conçue alors que Nana travaillait chez Jalil, son père multimilliardaire. Pour effacer l’affront que constitue la naissance de Mariam, mais aussi soulager sa conscience, Jalil fait construire une kolba pour Mariam et sa mère.

En leur rendant visite toutes les semaines et leur faisant porter des victuailles, Jalil croit réparer l’acte déshonorant qu’il a commis. Mais Nana, dont le cœur reste meurtri, reporte sur sa fille sa frustration d’avoir été bannie de la société. Mais Mariam n’a cure des sautes d’humeur et des crises de sa mère. Elle est convaincue que son père l’aime et vit dans l’attente fiévreuse de ses visites. Quand il est là, plus rien n’existe et elle se sent aimée, désirée, même si elle n’a jamais vu ses autres frères et sœurs. Nana aura beau lui dire que Jalil ne laime pas, elle voit dans ses yeux à lui que ce n’est pas vrai.

Étouffant sous l’amour de sa mère, désireuse de découvrir Herat et la maison où vit son père avec sa famille, Mariam décide d’aller le voir après l’avoir attendu en vain. C’est décidé, elle ira à Herat.

Elle ouvre grand les yeux et est émerveillée par cette ville qu’on lui a tant chantée. Mais le revers de la médaille a lieu, car avec le choc de découvrir qui est réellement son père, à savoir un homme riche et puissant, mais surtout connu de tous, elle se rend compte qu’il ne l’aime pas, est prisonnier de ses trois femmes qui décident de tout, et elle n’est pas autorisée à entrer dans son monde et se retrouve à dormir devant sa porte, car sa présence n’est pas la bienvenue.

De retour chez elle brisée et pleine d’amertume, elle trouve sa mère qui s’est pendue, comme elle l’en avait menacée. L’existence de Mariam bascule à jamais avec la mort de sa Nana adorée. De retour chez son père, car n’ayant nulle part où aller, elle se retrouve mariée de force (avait-elle le choix?) par les femmes de son père qui ont vu en Rachid, de trente ans son aîné, un « bon » parti.

Expédiée à Kaboul, à l’autre bout du pays, Mariam voit son existence basculer.

Même si la kolba dans laquelle elle habitait avec Nana n’était pas un palais, au moins elle n’était pas repoussante de saleté et elle y vivait bien. Mais elle découvre la maison dans laquelle Rachid entend la faire vivre et se rend compte que la mort de sa mère aura tout changé. Grande, vétuste, croulante, sa nouvelle existence à Kaboul se fera dans la peur.

Peur de trébucher au moindre de ses pas, car ne voyant rien à travers le grillage de la burqa que lui impose Rachid, peur que sa sauce ne soit trop salée ou que le pain qu’elle a pétri ne soit pas assez croustillant, Mariam apprend à se soumettre et à enfouir au plus profond d’elle-même ses émotions. Car Rachid est violent avec elle et n’hésite pas à user de ses poings ou de ses multiples ceintures en cuir qu’il confectionne dans son atelier de cordonnier dans le centre – ville de Kaboul.

Les soviétiques partis, ils ont laissé dans le pays les seigneurs de guerre afghans contents de prendre leur destin en main. Et qui dit destin, dit factions rivales. Les deux grands frères de Laila sont partis faire le djihad depuis qu’elle est toute petite, et elle vit dans l’ombre de ces deux héros, que sa mère n’oublie pas. La maison est un sanctuaire érigé à leur gloire et n’eût été son père, Laila n’aurait eu personne vers qui se tourner. Ses frères meurent dans cette guerre sans pitié et le quartier se vide peu à peu de ses habitants. Leurs voisins partis, son unique amour Tariq et sa famille aussi, sa mère accepte enfin qu’ils quittent l’Afghanistan miné par des années de conflits meurtriers. Mais ironie du sort, le jour de leur départ, une bombe explose dans leur maison, et Laila est l’unique survivante.

C’est là que la troisième partie du livre, et de loin la plus intéressante commence. J’ai beaucoup aimé comment Khaled Hosseini fait une classification si j’ose m’exprimer ainsi, de la longue série de conflits qui sont survenus en Afghanistan et le fait vivre à ses personnages. Mariam ayant vécu la première phase, celles des soviétiques, Laila entre en scène durant la seconde.

Enceinte de Tariq, elle n’a d’autre choix que de se taire et d’épouser Rachid, décidé à avoir un héritier, car Mariam est stérile. Il bat Laila et Mariam quotidiennement, les couvre d’injures, jusqu’au jour où Tariq que l’on croyait mort réapparaît. Le coup qu’il veut porter à Laila est le coup de trop et Mariam sacrifiera sa propre vie, elle qui n’a connu le bonheur qu’à l’entrée de Laila qu’elle a plus considérée comme une fille que comme une coépouse dans sa vie. Laissant la charia s’appliquer sur elle et l’exécuter car elle a tué son mari, elle mourra pour que Tariq et Laila vivent leur amour au grand jour avec leurs enfants, alors que Oussama Ben Laden et les talibans prennent le contrôle du pays et qu’ils détruisent les Twin Towers américaines, installant dans les mémoires le souvenir funeste du 11 Septembre …

Khaled Hosseini a écrit un grand roman. Des fois en lisant certains passages, des larmes ont coulé, car tant de souffrances, de brimades et d’humiliations me semblaient tout simplement inimaginables.

Il nous plonge dans la richesse de la civilisation afghane et persane et nous fait découvrir une autre facette du pays, certes en guerre, mais aussi un pays où les femmes n’ont pas droit à la parole, mais utilisent moult ruses pour échapper au joug des hommes, qui invoquent la religion quand cela les arrange.

Les personnages de Laila et Mariam sont époustouflants. Laila qui refusera jusqu’au bout cette vie misérable et finira par triompher, mais aussi Mariam, la harami, l’enfant bâtarde, qui a tant quémandé l’amour de son père qui le lui a donné au crépuscule de sa vie. Mais Laila est là pour continuer cette vie qu’on lui a ôtée.

Mille soleils splendides est un livre plein d’humanité et de résilience féminine, et en le lisant, j’ai pu en apprendre beaucoup sur cet Afghanistan dont le nom était évocateur de conflits. J’ai découvert un pays riche en culture, un pays où les femmes se battent, mais surtout un pays où l’amour triomphe envers et contre tous.

Je vous conseille vivement de le lire !

Bonne lecture,

NFK

Publié dans Bouquinage

Fouta Street – Laurence Gavron

Dans Fouta Street, Laurence Gavron nous entraîne dans un thriller entre les rues arides du Fouta et celles glaciales de New-York.

À la faveur de son mariage avec Yoro Sow, un lointain cousin auquel elle était promise depuis son enfance comme le veut la tradition pulaar, Takko Deh part rejoindre son mari à New-York.

Outre le dépaysement, la difficulté face à cette langue qu’est l’anglais qu’elle a du mal à maîtriser et ce nouvel environnement qu’elle appréhende avec crainte, Takko répugne à être aux côtés de cet homme bien trop âgé pour elle. Mais au nom de la tradition, elle courbe l’échine et se tait. Car ce mariage dépasse les personnes de Yoro et Takko. Il est avant tout une alliance entre les familles Sow et Deh, réparties entre Linguère et Podor. Le rompre équivaudrait à jeter le déshonneur sur l’une ou l’autre des familles.

Les journées de Takko se passent dans la monotonie la plus totale. Car entre ses cours d’anglais à la Pulaar Association et ses soirées passées à mitonner de petits plats pour son époux, il ne se passe rien de transcendant dans son existence.

Mais comme les voies du destin sont impénétrables et que tout ce qui doit être est déjà écrit depuis belle lurette, elle rencontrera celui par qui son existence changera totalement. Pathé Bambado, le troubadour, le musicien rêvant de percer au pays de l’oncle Sam, arrachera Takko de sa vie déjà toute tracée et l’emmènera vivre avec lui. Les deux amoureux défieront tout au nom de cette passion et tenteront tant bien que mal de survivre dans cette jungle de Brooklyn.

Comme si un malheur n’arrivait jamais seul, quelques temps après la fuite de Takko, après l’avoir cherchée partout, son mari Yoro décède dans des circonstances troublantes. Mort de dépit? De chagrin? De maladie? Chacun, dans cette communauté où tout le monde se connaît jettera l’opprobre sur cette frêle jeune fille – presque une enfant – et y ira de son petit commentaire sur la dépravation des moeurs et la perte de valeurs qui formaient jadis la pulaagu.

C’est là que le commissaire Faye venu de Dakar et mis devant les faits et l’inspecteur Mallahan de la police de New-York conjugueront leurs forces pour tenter d’élucider cette affaire. Ils y arriveront tant bien que mal et dénoueront ce mystère qui était en définitive plus complexe qu’il n’y paraissait.

Laurence Gavron a écrit un livre captivant, qui se lit d’une traite. L’intrigue est captivante, les personnages hauts en couleurs et les allers retours entre New-York et le Fouta ne sont pas pour me déplaire, moi qui ne tiens pas en place et aime voyager même dans mes lectures. Je salue l’effort de recherche de l’auteure pour se documenter sur la culture peule et connaître un tant soit peu toutes les valeurs culturelles et cultuelles qui définissent cette ethnie, qui est la mienne.

J’ai en outre moins aimé l’enquête menée conjointement par le commissaire sénégalais et l’inspecteur américain. Venu en vacances aux USA, comment un commissaire sénégalais peut se retrouver mêlé à une enquête qui ne le concerne en rien ? L’instinct inhérent au métier sans doute, mais quand même … En lisant, j’ai noté une ou deux références renvoyant à des ouvrages antérieurs de Laurence Gavron où ce Jules Faye revient souvent. Il me faudra lire ses autres livres pour en savoir plus, mais j’ai trouvé la façon de mener cette enquête très incohérente. De même que la fin qui arrive abruptement. La fin m’a laissée sur ma faim si j’ose m’exprimer ainsi et laisse une impression d’inachevé.

Malgré ces réserves que je formule, je trouve que Fouta Street est un must read et j’ai hâte de découvrir le reste de la bibliographie de Laurence Gavron !

Bonne lecture,

NFK

Publié dans Réflexion

Le culte de la masculinité

Les réseaux sociaux, quoi que l’on puisse en dire, sont aujourd’hui le miroir de nos vies. En ce sens qu’ils reflètent ce que nous vivons, et surtout pensons au quotidien. À chaque fois qu’un événement occupe l’actualité, je fais le tour des réseaux sociaux où j’ai un compte (Twitter, Instagram, Facebook) pour prendre le pouls et voir ce que les gens en pensent.C’est très instructif, et j’assimile cela à une enquête sociologique.

Les débats aussi font rage. Dans les rares groupes dont je fais partie, je privilégie la qualité des discussions et l’enseignement que je peux en tirer.
Ce fut le cas avec une discussion autour de la masculinité dans le groupe Let’s Talk (publicité gratuite). Ray, l’un des membres, avait posé la question de savoir si les hommes devaient gémir durant les rapports sexuels. Pendant que les uns étaient pour et les autres contre, mon cerveau se mettait en branle.
Les avis étaient partagés et les réponses données m’ont donné envie d’écrire cet article.
On peut dire que cet article vient en complément d’un autre que j’avais écrit concernant l’éducation des garçons. Vous pourrez le lire juste ici : https://cequejaidanslatete.wordpress.com/2018/02/06/eduquons-nos-garcons/
Dans l’imaginaire collectif (surtout africain), un homme, c’est la virilité par excellence : barbe, muscles saillants, voix de baryton, et tout ce qui s’en suit …Tout ce qui va à l’encontre de ces caractéristiques physiques bourrées de testostérone est à mettre dans le domaine féminin : tapette, tarlouze, femmelette et autres joyeusetés. Car rappelons – le, être efféminé, équivaut à être gay. Mais ceci est un autre sujet sur lequel je reviendrai.
Les petits garçons grandissent avec dans leur tête l’idée qu’ils sont de futurs hommes et leur éducation tournera autour de beaucoup de choses censées le leur rappeler : ne pas pleurer, ne pas montrer ses émotions, ne pas agir comme les femmes …
On le voit dès le bas-âge, quand ils commencent à s’affirmer et prendre conscience de leur être. Au cours de toutes les étapes formant leur enfance, les petits garçons sont entourés de modèles censés leur inculquer les phases de leur future carrure d’homme. Durant la phase cruciale de la circoncision, très douloureuse du moins comme elle se faisait traditionnellement et continue de se pratiquer dans certaines contrées africaines, les futurs hommes se voient trancher le prépuce avec un couteau et malheur à celui qui osera émettre le moindre sanglot.
En ville, dans les zones où se concentrent les bandes de jeunes garçons, chacun bande les muscles peu ou pas développés, la voix mue, la barbe commence à pousser, et quiconque sera à la traîne ou pleurnichera devant la douleur se verra traiter de « femme ». Car dans la dichotomie opérée entre le sexe masculin et féminin, la femme sera caractérisée par ses émotions (tristesse, colère, joie) et à la façon expansive de les montrer, et plus l’homme sera renfermé sur lui-même, taciturne et limite bougon, mieux cela vaudra pour lui. Car un homme ne pleure pas, ça cest connu.
Les petits garçons, pour en revenir à eux, qui auront envie de s’écarter de cet ordre pré établi, se verront durement réprimander et se brimeront encore plus, car à l’heure où les attributs masculins se forment, le regard de la société devient de plus en plus dur.
J’en ai parlé au début de ce billet. En parlant de masculinité, je fais une petite digression chez les homosexuels. Dans l’imaginaire collectif (surtout africain), celui qui est gay est une femmelette, une tarlouze, une tapette, en somme quelqu’un dont les caractéristiques féminines sont très développées. Alors qu’il n’est pas rare de voir un gay musclé, bien comme il faut, et ressemblant à un homme hétérosexuel. En parcourant les pages de disussion, notamment sur Facebook, je suis toujours effarée de lire les témoignages anonymes de jeunes hommes expliquant qu’ils ont dû cacher leur homosexualité à leur famille à grand renfort de séances à la salle de sport. Plus ils apparaissaient bodybuildés, moins les inquiétudes quant à une sexualité « normale » se faisaient. Ceci est encore un des revers du mythe de la masculinité.
Tout ce que j’ai énoncé plus haut relève de l’état des lieux face à ce fait sociétal. Maintenant que fait-on?
Pour moi, tout est à chercher à la base même de l’éducation. Un homme n’est pas Dieu sur terre, c’est une personne normalement constituée, avec des forces, des faiblesses … En les éduquant à cacher leurs émotions et a toujours montrer le côté positif, ces petits garçons, en grandissant, accumulent quantité de frustrations dûe à la pression pesant sur leurs épaules. Ce qui aura pour effets collatéraux de les transformer en tyrans déversant leur colère sur leurs compagnes.
Une redéfinition des rapports de genre, une plus grande flexibilité dans l’éducation des garçons en leur montrant qu’ils peuvent se laisser aller autant que les filles, toutes ces composantes permettront de rééquilibrer la masculinité et de la rendre moins toxique et pesante.
Bonne lecture,
NFK
Publié dans Bouquinage

Underground Railroad – Colson Whitehead

Depuis sa naissance, Cora court.

Elle court pour échapper aux coups de Connely, le méchant contremaître qui est prompt à user de sa cravache contre ceux qui ne cueillent pas assez vite, qui sont feignants, qui marmonnent des insanités contre le maître … Quand bien même celui-ci, James Randall, à l’opposé de son frère Terrance, qui gère l’autre partie du domaine laissé par Randall père en héritage, les laisse s’amuser de temps à autre, la vie sur la plantation est rude.

Cora a de qui tenir : sa grand-mère Ajarry, venue de sa lointaine contrée africaine, était respectée et faisait figure d’autorité dans la plantation. Cultivant son lopin de terre, elle s’éteignit comme elle vécut, dans la servitude et les humiliations. Sa fille Mabel, elle, était une rebelle née, car un soir de pleine lune, elle fit le choix de s’échapper, laissant tout derrière elle, jusqu’à sa petite Cora. Sa légende fut ainsi construire, car la trace de Mabel ne fut jamais retrouvée, malgré le fait que le célèbre chasseur d’esclaves Ridgeway ait ratissé le pays tout entier.

Quand Cora s’échappe à son tour, en compagnie de Caesar, Ridgeway en fit une affaire personnelle, ne voulant pas revivre l’affront imposé par Mabel qui s’est tout bonnement volatilisée.

Commence alors la course de Cora. Elle perd des compagnons en cours de route, se fait attraper, s’échappe à nouveau, mais ne perd pas son objectif : ne plus  » appartenir  » à qui que ce soit, être une femme libre …

À travers le personnage de Cora, Colson Whitehead nous permet d’entrevoir le monde impitoyable que fut celui de l’esclavage; et surtout la dichotomie parmi les esclaves : ceux qui n’avaient jamais rien connu d’autre que la servitude, ceux pour qui courber l’échine et cueiller le coton est dans l’ordre nature des choses, et ceux qui étaient nés libres et enfin ceux qui étaient enchaînés et voulaient briser les chaines.

Cora fait partie de cette dernière catégorie.

Colson Whitehead permet à son lecteur de faire une incursion dans le chemin de fer  » clandestin « , ce réseau solidaire qui a permis de faire évader une quantité innombrable d’esclaves. Des gares creusées dans les trappes des maisons, parfois par des blancs qui au contraire de leurs autess congénères, prônaient l’abolitionnisme de cette pratique de la honte. Certains ont payé ce courage de leur vie, car dans l’imaginaire collectif des propriétaires de plantations, toute personne de race blanche devait soutenir leur commerce.

Underground Railroad me rappelle la célèbre Aminata dans le roman éponyme écrit par Lawrence Hill : https://cequejaidanslatete.wordpress.com/2014/01/04/lu-et-adore-aminata-the-book-of-negroes-de-lawrence-hill/

Le courage et la témérité de Cora me rappellent la hargne de Aminata, cette ancienne esclave que l’on avait arrachée à son village natal. Ballottée de pays en pays, elle finira par s’en sortir. Tout comme Cora, digne fille de Mabel, celle dont la fuite hantera son maître jusqu’à sa mort …

Un livre à lire et à faire lire ! Magistral roman, qui a remporté le prix Pulitzer 2017.

Bonne lecture,

NFK